Mes sources = http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=446200
vous pourrez y lire un excellent article de Bernard Perrin
L’IIRSA, Initiative d’intégration de l’infrastructure régionale d’Amérique du sud, est un vaste programme de construction de nouvelles routes, de ponts, de voies fluviales et de liaisons énergétiques et de communication spécialement dans les zones tropicales et andines.
C’est un des résultats du premier sommet sud-américain des présidents (2000).
Elle peut compter sur le financement de la Banque interaméricaine de développement (BID), de la Corporation andine de financement (CAF), du Fonds financier du bassin de la Plata (FONPLATA) et d’agences gouvernementales brésiliennes.
La combinaison des investissements pour la construction de routes, voies fluviales et barrages proposées par l’IIRSA, et des investissements considérables du secteur privé pour l’extraction de ressources et l’agriculture industrielle (par exemple, celle du soja) n’aura pas seulement des effets directs sur la diversité biologique, mais des effets indirects également sur les paysans et les travailleurs agricoles.
Historiquement, les résultats ont toujours été le déplacement des populations rurales et autochtones, la migration massive et le déboisement.
Silvia Molina, chercheuse au Fobomade, est catégorique:
«La plupart des routes en Bolivie n'ont pas été construites pour les populations mais pour que l'on puisse accéder aux ressources naturelles et aux matières premières pour l'exportation.»
En général, le financement est d'ailleurs assuré par des institutions internationales, comme la Banque mondiale ou la Banque interaméricaine de développement.
Aujourd'hui, c'est la Banque nationale de développement économique et social (BNDES) du Brésil qui finance 80% du projet de route entre Villa Tunari et San Ignacio de Moxos.
«Derrière le discours de développement des régions périphériques, il est surtout question de créer les conditions commerciales nécessaires aux exportations et à l'intégration économique au marché global.»
Car si la Bolivie se lance aujourd'hui dans la réalisation de mégaprojets aux impacts sociaux et environnementaux colossaux, c'est pour entrer dans la planification d'un véritable «monstre» continental: l'IIRSA, l'Initiative pour l'intégration régionale sud-américaine.
Un vaste programme de construction de voies de communication et de liaisons énergétiques, en particulier dans les zones tropicales et andines.
Un cadre dans lequel les montagnes, les forêts et les marécages sont surtout des obstacles au développement, et les fleuves de simples voies de transport.
Le bassin amazonien est aujourd'hui menacé par une cinquantaine de mégaprojets estampillés IIRSA, dont certains sont en cours de réalisation: barrages, lignes électriques, ports, routes ou encore usines de conditionnement de soja ou de café.
Tout est fait pour la production et le transport rapide des marchandises, au prix de modifications profondes des paysages et des modes de vie, au prix aussi de déplacements de populations.
C'est dans la gueule de ce monstre que se trouvent pris les peuples indigènes boliviens Yuracaré, Mojeño et Chiman.
Leur territoire historique se situe sur le couloir stratégique Pérou-Bolivie-Brésil qui doit permettre l'acheminement direct de la production agricole brésilienne, principalement de soja, vers les ports de l'océan Pacifique.
Pour concrétiser ce corridor interocéanique, les 300 kilomètres d'asphalte dans le parc national Isiboro Sécure s'avèrent indispensables…
Pour Silvia Molina, la Bolivie «répond ainsi à la demande du capital transnational», et aux besoins en particulier de l'économie de son puissant voisin brésilien.
Le vice-président bolivien Alvaro García Linera croit, lui, fermement à ce développement et le défend: «Nous allons construire des routes et perforer de nouveaux puits pour industrialiser notre pays. Nous avons besoin des ressources naturelles pour assurer l'éducation, les transports, la santé de notre population.» Et de clamer: «Nous ne nous convertirons pas en gardiens de parcs pour les puissances du Nord qui vivent dans la prospérité alors que nous continuons de vivre dans la mendicité.» Le message est clair. Et reçu 5 sur 5 par les opposants à la logique extractiviste et économique de l'IIRSA.
«Ces projets servent à faire entrer des entreprises pétrolières et minières sur nos territoires. Ils représentent le début de la disparition des peuples autochtones».
A PROPOS DE LA FUTURE ROUTE A TRAVERS LE TIPNIS
Pourquoi le premier président indigène du continent sud-américain n'écoute-t-il pas les voix qui s'élèvent de ces populations, alors que des projets routiers alternatifs existent, aux impacts sociaux et environnementaux moindres?
«Il y a d'autres intérêts en jeu, notamment celui des exportateurs de bois tropical, et celui des planteurs de coca, qui aujourd'hui déjà envahissent illégalement nos territoires», confie Adolfo Moye.
«Mais il y a pire encore. C'est l'entreprise brésilienne OAS qui a décroché le contrat de 415 millions de dollars pour réaliser les travaux.» La pression viendrait donc du président Lula.
«Comme OAS finance les campagnes électorales du Parti des travailleurs, Lula a clairement fait savoir à Evo Morales que le début des travaux ne devait pas tarder», confie un proche du gouvernement.
Le mégacontrat décroché par OAS n'est d'ailleurs qu'un des éléments du drame amazonien.
«Sous prétexte de développer le nord du pays, le gouvernement désire en réalité ouvrir les portes à ceux qui veulent en exploiter les ressources naturelles. Il y a des hydrocarbures dans le sous-sol du parc», poursuit Adolfo Moye.
Selon le Forum bolivien sur l'environnement et le développement (Fobomade), la compagnie espagnole Repsol aurait même négocié avec la Bolivie en 1994 un droit d'exploitation de trente ans. Actuellement, aucune extraction n'est en cours. Mais une route d'accès aux zones pétrolifères est évidemment une priorité absolue.